Fiscalité / QPC

Le sort de plusieurs dispositifs en suspens

L’assiette des droits de mutation par décès sur les primes versées après 70 ans est contestée
Une QPC remet en cause la taxe de 3 % sur les dividendes distribués au sein des sociétés
DR, Marine Dupas, avocate associée, Arkwood

Parmi les dernières questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) transmises au Conseil constitutionnel, certaines devraient vraisemblablement aboutir et alléger la fiscalité.

Primes versées après 70 ans.

La première a été transmise par la Cour de cassation et concerne l’article 757 B, paragraphe 1er, du Code général des impôts (CGI). Cette disposition se rapporte à la taxation aux droits de mutation par décès des primes versées par l’assuré après ses 70 ans. En cause : l’assiette de cet impôt ne prend en compte ni la perte de valeur du contrat ni les retraits effectués par l’assuré sur ces sommes durant la vie du contrat. La question de la méthode de calcul de l’assiette de taxation, qui provient de l’interprétation de ce texte, est ainsi mise en cause. « En effet, l’interprétation de l’article conduit à taxer des primes qui n’existent peut-être plus soit parce qu’elles ont été rachetées ou soit parce que le contrat a perdu de sa valeur », précise Eric Planchat, avocat associé chez Nataf & Planchat.

Les assurés ayant versé des primes au-delà de 70 ans sur leur contrat sont nombreux et « il y a ainsi un risque que, si le juge constitutionnel sanctionne, il le fasse avec un effet seulement pour l’avenir et pour les réclamations et instances en cours. Les personnes qui pourraient être concernées devraient déposer une réclamation dès à présent  », conseille Marine Dupas, avocate associée chez Arkwood.

Taxation des entités offshore.

Deux autres QPC peuvent interpeller le praticien dans l’éventualité d’une lecture un peu rapide. En effet, la première s’attaque à l’article 123 bis du CGI sur des questions au sujet desquelles le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé le 1er mars dernier (L’Agefi Actifs n°697, p. 18). « Cependant, le Conseil constitutionnel ne s’était pas spécifiquement prononcé pour les dossiers qui datent d’avant le 31 décembre 2009, époque à laquelle il n’existait pas de clause de sauvegarde », fait observer Eric Planchat. Pour rappel, le texte taxe les personnes domiciliées en France sur les revenus réalisés par les entités juridiques établies hors de France.

Cependant, une clause de sauvegarde, qui existe depuis le 1er janvier 2010, permet de ne pas appliquer ce texte aux entités juridiques qui sont établies dans la Communauté européenne dès lors qu’elles ne peuvent être regardées comme constitutive d’un « montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française  ». « Seules les personnes sous une procédure de redressement fiscal pourront, pour l’impôt afférent aux revenus de 2006 à 2009, venir ainsi démontrer que leur montage n’était pas artificiel  », précise Marine Dupas.

A noter que le Conseil constitutionnel écarte la question relative à l’alinéa 3 de l’article 123 bis du CGI car sa décision du 1er mars 2017 a d’ores et déjà formulé une réserve d’interprétation. « Si l’ancienne version d’un texte de loi est similaire à celle sur laquelle le Conseil constitutionnel a porté une réserve d’interprétation, il n’est plus nécessaire alors de porter une nouvelle QPC sur la version antérieure », rappelle Marine Dupas.

Contrats d’assurance vie non déclarés.

Dans une configuration assez similaire, le Conseil constitutionnel va être amené à examiner la constitutionnalité de l’amende de 5 % pour non-déclaration des contrats d’assurance vie. Or, la loi de Finances rectificative pour 2016 a abrogé cette amende. « De notre point de vue, cette question n’a plus lieu d’être posée  », précise l’avocat Marc Bornhauser sur son blog, ajoutant que les « contribuables concernés pouvaient, ainsi que l’administration le reconnaissait d’ailleurs dans ses commentaires, bénéficier de la rétroactivité in mitius, donc de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, aux pénalités non encore établies et pour lesquelles les délais de recours n’étaient pas expirés  ».

Cependant, le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) continuait à l’appliquer, selon Marc Bornhauser et Marine Dupas. Pour tous les contrats d’assurance vie qui n’ont pas été déclarés avant le 1er janvier 2017, cette décision est plutôt une aubaine. « En effet, seule l’amende fixe de 1.500 euros ou 10.000 euros sera appliquée. Pour les contrats d’assurance vie non déclarés depuis le 1er janvier 2017, et s’il y a préjudice pour le Trésor public (TP), le contribuable risque une majoration de 80 % des droits exigibles en cas de rectification. En l’absence de préjudice au TP, c’est l’amende de 1.500 ou 10.000 euros qui s’applique  », fait remarquer Marine Dupas.

Vente de la résidence principale.

Par ailleurs, une QPC en instance concerne les particuliers qui partent vivre à l’étranger, changeant ainsi leur domicile fiscal. Si ces derniers vendent leur résidence principale, ils ne bénéficient pas, à l’instar des résidents fiscaux français, d’un délai raisonnable pour vendre sans perte de l’exonération de l’impôt sur les plus-values. « Il est étonnant que les non-résidents ne puissent pas bénéficier de cette exonération conditionnée par un délai raisonnable de vente car, en pratique, lorsqu’ils vendent leur logement, ils l’ont déjà quitté pour s’établir à l’étranger », fait remarquer Marc Pelletier, avocat associé chez Frenkel & Associés.

Enfin, une autre QPC vient se prononcer pour la deuxième fois sur la taxe de 3 % qui frappe les dividendes distribués au sein des groupes de sociétés. Une QPC qui pourrait avoir une portée bien plus large que la première QPC sur le même dispositif (lire l’encadré).