Plus-values de cession de valeurs mobilières

Des commentaires administratifs décevants

Le 20 mars, le fisc a mis à jour la doctrine portant sur les cessions de titres
Une prise de position dont le bien-fondé sera sans doute porté devant les juges

L’administration fiscale a apporté au Bofip de volumineuses précisions sur les dispositions concernant les plus-values sur valeurs mobilières réalisées à compter du 1er janvier 2013. « Par rapport à la version soumise à consultation le 14 octobre 2014, nous regrettons que les commentaires de Place n’aient pas été suivis d’effet, témoignent Jérémie Jeausserand et Tristan Audouard, avocats chez Scotto & Associés. L’intérêt de ce type de consultation est d’ailleurs posé. Bercy n’a arbitré aucun des points de divergence en faveur des contribuables. »

Moins-values de cession.

L’administration a confirmé que les abattements pour durée de détention s’appliquent indifféremment aux plus-values et aux moins-values. Ce qui est susceptible de poser des difficultés pratiques, comme le confirme Sébastien Coiffard, ingénieur patrimonial à la banque privée de la Caisse d’Epargne Ile-de-France, « l’avantage procuré par l’abattement étant inversé en matière de moins-values, certains contribuables pourraient être tentés de leur appliquer l’abattement de droit commun moins pénalisant que l’abattement majoré ».

Mais tout n’est pas joué si l’on regarde du côté du Conseil d’Etat et de l’arrêt 364.197 du 4 février 2015. Dans cette affaire, la Haute juridiction s’est prononcée sur l’imputation d’une moins-value réalisée dans le cadre du régime incitatif des cessions intrafamiliales (1) sur des plus-values réalisées par ailleurs. Elle a retenu que l’exonération « n’a pas pour effet de placer le gain net résultant de la cession de droits sociaux réalisée dans le cadre d’un groupe familial hors du champ d’application de l’impôt sur le revenu ni, par suite, de faire obstacle à ce que la moins-value subie à l’issue d’une telle cession soit imputable ». Le rapporteur public a souligné que la position de la Cour d’appel qui a refusé cette imputation a l’inconvénient d’inverser les effets bénéfiques d’un dispositif initialement incitatif, position qui fait étrangement écho aux interrogations des praticiens sur l’imputation de l’abattement majoré aux moins-values.

Clause d’earn-out.

« Alors que le projet de Bofip ne se prononçait pas, les praticiens ont émis le souhait de traiter le cas spécifique des cessions de titres pré-2013 avec earn-out versé post-2013, en prenant en compte la durée de détention effective des titres pour le calcul de l’abattement, mais cette demande n’a pas été accueillie favorablement », expliquent Jérémie Jeausserand et Tristan Audouard. Par conséquent, dans ce cas de figure, l’administration fiscale estime qu’aucun abattement pour durée de détention n’est susceptible de s’appliquer au complément de prix reçu en exécution d’une clause d’indexation.

Holding animatrice.

Pour que l’abattement renforcé (PME de moins de dix ans) soit appliqué aux gains nets de cession de sociétés ayant la qualité de holding animatrice, le fisc exige désormais que cette société et chacune de ses filiales ne soient pas issues d’une opération de concentration par exemple. Selon les avocats, « la probabilité que des restructurations intragroupes aient été mises en œuvre n’étant pas négligeable compte tenu de la nécessaire rationalisation de la structure des groupes en croissance, un risque réel existe pour l’entrepreneur qui remplissait toutes les conditions d’éligibilité et qui est désormais susceptible d’être redressé ». Pour Damien Billet, avocat associé chez SBKG Marseille, « on en arrive à une situation extrêmement complexe et rigide pour ce qui concerne l’application de l’abattement renforcé au titre d’une holding animatrice. Une opération de restructuration purement interne, par exemple la création d’une filiale par apport partiel d’actif, ou encore la détention d’une société civile immobilière, conduisent à priver les titres de la holding animatrice de l’abattement renforcé ».

Exonérations en cas de départ à la retraite.

Concernant l’abattement fixe de 500.000 euros, l’administration est revenue sur la tolérance octroyée jusqu’à présent. Désormais, « seul le cédant qui remplit l’ensemble des conditions prévues » par la loi peut bénéficier de cet abattement et des abattements majorés. Une position de nature à exclure ses proches également actionnaires de l’entreprise cédée.

 

(1) Article 150-0 A, 3 du I du CGI (version en vigueur jusqu’au 1er janvier 2014).